lundi 16 juillet 2012

Emotion à Brest


Une cérémonie émouvante, aboutissement d'une longue procédure, a eu lieu sur le port de commerce de Brest le samedi 14 juillet, pendant les fêtes de la mer baptisées Tonnerres de Brest 2012. Une plaque de rue a été inaugurée au coin du 5e bassin, sur une esplanade baptisée Espace François Quéré. En 1947, le matelot François Quéré (à droite sur la photo ci-dessous) est tragiquement décédé avec son chef, le directeur de la compagnie des Abeilles à Brest, Yves Bignon (à gauche sur la photo), lors de l'explosion du cargo type Liberty ship Ocean Liberty, restée dans les mémoires locales.
Les deux héros, Yves Bignon et François Quéré (photos fournies par les familles).
Ce navire marchand transportait une dangereuse cargaison de nitrate d'ammonium. Le 28 juillet 1947, un incendie s'est développé dans une cale. Le cargo a été remorqué hors du port mais s'est échoué. Le feu a pris de l'ampleur.
Pendant ces heures tendues, Yves Bignon s'est porté volontaire pour tenter une opération de la dernière chance et empêcher que le cargo explose. Il s'est fait accompagner dans un canot par un autre volontaire, un des matelots de la compagnie, François Quéré. Ce dernier, en quittant le quai, avait dit adieu à un de ses frères : "On ne se reverra pas !" Il savait qu'Yves Bignon et lui allaient mourir.
L'Ocean Liberty en feu, peu avant la terrible explosion ; vers l'arrière, contre la coque, on aperçoit la silhouette  du canot emportant Yves Bignon et François Quéré (photo Charles-Yves Peslin).
En effet, lorsque les deux hommes arrivèrent près de la coque du cargo, c'était l'explosion. Une explosion gigantesque. Un tremblement de terre a été ressenti jusqu'en Angleterre. La fumée montant dans le ciel s'est élevée sur plusieurs milliers de mètres.
L'explosion photographiée à quatre kilomètres de distance (photo Georges Gouillou, via Bernard Holley) 
Il y eut 22 morts, des centaines de blessés et des dégâts très importants, tandis qu'une pluie de métal s'abattait sur la ville. Au lendemain de la guerre qui avait laissé Brest en ruines, ce fut un nouveau traumatisme pour les habitants.
Une rue de Brest portait déjà le nom d'Yves Bignon, en son honneur. Mais il manquait un hommage à François Quéré, laissé dans l'ombre pendant 65 ans. Après diverses démarches l'année dernière et en début d'année auprès de la mairie - qui était d'accord sur le principe -, un endroit fut trouvé : une esplanade sur le port même :
Avant de dévoiler la plaque, le 14 juillet 2012, la "kevrenn" (orchestre brestois) Brest-Saint Marc, créée au lendemain de la catastrophe de l'Ocean Liberty, joue un air adapté (photo JY Brouard).
En présence du  maire de Brest, François Cuillandre, Jeanine Quéré évoque son beau-père François, mort héroïquement dans l'explosion, le 28 juillet 1947 (photo JY Brouard).
La plaque provisoire inaugurée le 14 juillet 2012, et un panneau  descriptif. Lorsqu'il prit feu, le cargo Ocean Liberty était amarré  dans le 5e bassin du port de commerce de Brest, à quelques dizaines de mètres derrière la camionnette blanche (photo JY Brouard).
Pourquoi parler de cette affaire ici ? Parce que, à mon modeste niveau, j'ai ajouté une ou deux pierres à l'édifice en écrivant des articles exclusifs sur l'affaire elle-même, puis sur François Quéré, qui était jusque là, malheureusement, oublié dans les relations historiques. Parmi diverses organes de presse, j'avais publié, aidé d'historiens et de spécialistes, une enquête de fond dans la revue Navires & Marine marchande (numéro de juillet 2007), pour le cinquantenaire, puis, dans l'hebdomadaire spécialisé Le Marin, une suite d'articles sur François Quéré et sur les navires qui, en hommage aux deux disparus, ont porté les noms de François Quéré ou Yves Bignon (ces articles ont paru au cours de l'automne 2011).
A l'occasion de l'inauguration de la plaque "Espace François Quéré", Jean-Yves Brouard (à gauche) rencontre une nouvelle fois Annick, la fille d'Yves Bignon, pour parler de l'affaire. A droite, le petit-fils d'Yves Bignon. L'homme au chapeau en second plan est Yffic Dornic, l'artisan de ces cérémonies en hommage aux héros disparus (photo Erwan Guéguéniat).
A noter que ces cérémonies ont eu lieu durant Tonnerres de Brest, les grandioses fêtes de la mer organisées dans le célèbre port breton et qui accueillirent même la visite du Président de la République François Hollande peu après la fin de la cérémonie sur l'Espace François Quéré. De nombreux voiliers et bateaux anciens stationnaient dans le port, comme le Sedov :
L'Ocean Liberty était amarré dans ce bassin, sur la droite (hors champ) ; il a explosé sur le banc Saint-Marc, au-delà des deux réservoirs verts à gauche de la photo (photos ci-dessus et ci-dessous : JY Brouard)
Pour une fois, l'arsenal militaire de Brest était ouvert au public ; avec l'ami Erwan, lui aussi intéressé de près par le drame de l'Ocean Liberty, nous en avons profité pour visiter un endroit habituellement interdit au public, en passant par le tunnel sous le château, et pour voir, de l'autre côté du tunnel, d'autres grands voiliers  :




Et même un avion Super Etendard de l'Aéronautique navale basé normalement à Landivisiau, non loin de Brest :

2 commentaires:

Raymond a dit…

Bravo pour ce reportage !
Metttre ainsi en valeur le courage et l'héroïsme de ces 2 hommes
est tout à l'honneur de cette ville !

Les "Missions kimono" ont tendance à masquer
la grande connaissance du monde maritime
et l'érudition qu'a Jean Yves en la matière .....

Raymond

JYB a dit…

Je mène effectivement en parallèle les deux activités : recherches historiques sur la marine, et écritures de scénarios de BD. Parfois, les deux se mêlent utilement.